20110925

Génétique: consanguinité, dysplasie, couleurs, ...

1. Consanguinité
2. Notions de génétique
3. Génétique de la dysplasie coxo-fémorale
4. Robe et génétique des couleurs




1. Consanguinité


L’endogamie (du grec «endos», en dedans, et «gamos», mariage) consiste à accoupler deux chiens apparentés. Il en résulte de la consanguinité, c’est-à-dire en quelque sorte le mariage d’un «sang», comme l’on disait autrefois, avec lui-même. Endogamie et consanguinité permettent une évolution génétique plus rapide qu’avec des sujets non apparentés. Il existe plusieurs niveaux de consanguinité que nous traiterons plus loin.


On notera qu’évolution plus rapide ne veut pas forcément dire meilleure. La consanguinité n’est à mettre qu’entre les mains d’éleveurs expérimentés qui devront être capables de ne sélectionner que les meilleurs sujets pour la reproduction et, surtout, prêts à stopper ce processus en cas d’apparition de problèmes génétiques.


Travailler en consanguinité (au sein d’une même famille) a pour conséquence la fixation des gènes à l’état homozygote, c'est à dire la fixation des caractères.  La consanguinité va accélérer la vitesse de fixation, à la fois pour les bons caractères et pour les caractères indésirables. L’objectif est, bien sûr, de fixer les premiers, et le défi est d’éliminer les seconds. Afin de mieux comprendre les bonnes comme les mauvaises choses engendrées par l’endogamie, il convient de séparer les aspects qualitatifs et quantitatifs de ces caractères.

Caractères qualitatifs


L’expression de ces caractères se fait par une seule paire de gènes. Un chien possède donc deux exemplaires (un paternel et un maternel) du même gène pour un caractère donné, la couleur du poil par exemple.  Ces deux exemplaires de gènes (allèles) peuvent être identiques (homozygote) ou différents (hétérozygote).


Exemple:
- BB = homozygote noir ("B" donne la couleur noire),
- Bb = hétérozygote noir ("B" donne la couleur noire mais "b" donne la couleur chocolat, caractère récessif qui ne s’exprime pas face à "B" noir, caractère dominant),
- bb = homozygote chocolat ("b" donne la couleur chocolat).            
Par la consanguinité, on va chercher à obtenir l’homozygotie désirée pour un caractère donné, c'est à dire le gène en double exemplaire, comme dans BB ou bb.  


Pour certaines races, le noir comme le chocolat sont admis mais le chocolat reste difficile à obtenir à partir de sujets noirs, voire fauves. Prenons le cas suivant: en mariant un mâle fauve avec sa fille noire, l’éleveur a obtenu un chiot chocolat. Cela ne signifie pas que les couleurs se mélangent comme sur la palette d’un peintre et que la gouache fauve foncée de noir deviendrait une sorte de chocolat. Cela signifie que le père et la fille étaient porteurs du gène récessif «b» et que le mariage en consanguinité étroite a permis de faire ressortir ce gène à l’état homozygote. Le chiot né de cette union est donc homozygote sur «b» (bb).

Marié lui-même à un chien de lignée différente, mais de couleur chocolat, ce chiot devenu adulte donnera des chiots chocolats. Le danger de ce type de mariage n’est pas de se tromper sur une couleur (pour des chiots hors standard, il y a toujours la possibilité de les vendre non confirmables), aspect sans danger pour leur santé - le mariage permettant en outre de connaître le génotype des chiens,  mais de voir ressortir de la même façon des gènes de maladies génétiques graves.

En effet, tous les caractères récessifs masqués chez les parents peuvent refaire surface et, donc, s’exprimer.


Il doit ainsi être clair que la consanguinité ne crée pas ces défauts, mais augmente la probabilité d’apparition de ces derniers.

Caractères quantitatifs


Ils sont déterminés par plusieurs gènes et sont les plus nombreux. Ce sont ceux des paramètres mesurables (taille, intensité de couleur, …), de quelques maladies génétiques telles que la dysplasie,  de certains caractères de comportement et de travail


Pour ces caractères, l’amélioration génétique va consister à accumuler les gènes nécessaires à une progression souhaitée. La consanguinité favorisant l’homozygotie va accélérer cette accumulation. On verra ainsi des sujets ayant une morphologie idéale pour le standard de leur race se multiplier au sein d’un élevage utilisant la consanguinité pour améliorer les performances «esthétiques» des chiens produits. Mais la consanguinité va accélérer la vitesse de fixation, aussi bien pour les «bons» gènes que pour les «mauvais». Le risque est alors grand de voir apparaître des maladies génétiques jusque là en «sommeil» au sein de la race concernée. A-t-on le droit de mettre en danger toute une race pour briller en exposition avec des sujets physiquement (quasiment) parfaits sans se soucier de la santé des-dits sujets et de leur descendance ? Poser la question, c’est y répondre …

On notera enfin que les caractères déterminant les qualités de reproduction (fertilité, prolificité) et de résistance au milieu sont des caractères quantitatifs qui ont besoin pour s’exprimer pleinement d’une variété génétique. Or, la consanguinité,  en favorisant l’homozygotie, va diminuer cette variété. On observe donc que l’augmentation de la consanguinité dans une population va de pair avec une diminution de la taille des portées, de moins bons résultats de saillies, des chiots plus fragiles. Cette situation s’installe lentement, mais sûrement, et si elle se prolongeait, la lignée consanguine s’éteindrait.

Inbreeding


Ce type d’élevage, dit à «croisements fermés», correspond à un niveau de consanguinité étroite pouvant fixer de façon très profonde les qualités, comme les défauts, de l’ascendant commun. Tous les croisements sont chiffrés: 1er chiffre = le père,  2ème chiffre = la mère, «1» = 1ère génération, «2» = 2ème génération, etc., par rapport au niveau où se trouve l’ascendant commun.

• Croisement avec un ascendant du premier degré: il s’agit des croisements «père par fille» ou «mère par fils».

• Croisement avec un ascendant du second degré: cela concerne les croisements «grand-père par petite-fille» ou «petit-fils par grand-père». 


• Croisement avec un sujet collatéral ayant un ou deux ascendants du premier degré en commun: ce cas correspond aux croisements «frère par sœur» ou «demi-frère par demi-sœur».

• Croisement avec un sujet collatéral ayant les quatre ascendants du second degré en commun: il s’agit de croisements entre «doubles cousins germains», c’est à dire entre deux sujets ayant les quatre mêmes grands-parents. Ces croisements pourront être symétriques ou asymétriques.

Linebreeding



Ces croisements sont souvent utilisés afin de «retremper» sur une lignée. Il s’agit de croisements avec un sujet collatéral ayant un, ou deux, des quatre ascendants du second degré en commun.

• Croisement avec un sujet collatéral ayant deux ascendants du second degré en commun. Qualifiés de croisement 3–3, ils se font entre:
- «cousins germains sanguins» = les pères sont frères,
- «cousins germains utérins» = les mères sont soeurs,
- «cousins germains mixtes» = le père de l’un est le frère de la mère de l’autre,
- «cousins germains agnatiques» = les parents sont tous issus d’un même étalon,
- «cousins germains cognatiques» = les parents sont tous issus de la même lice.

• Croisement avec un sujet collatéral ayant un seul des quatre ascendants du second degré en commun. Ces croisements 3–3 sont réalisés entre:
- «demi-cousins germains agnatiques sanguins» =  les pères sont demi-frères issus du même étalon (les deux parents ont le même grand-père paternel),
- «demi-cousins germains cognatiques utérins» = les mères sont demi-sœurs issues de la même lice (les deux parents ont la même grand-mère maternelle),
- «demi-cousins germains agnatiques utérins» = les mères sont demi-sœurs issues du même étalon (les deux parents ont le même grand-père maternel),
- «demi-cousins germains cognatiques sanguins» = les pères sont demi-frères issus de la même lice (les deux parents ont la même grand-mère paternelle),
- «demi-cousins germains agnatiques mixtes» = le père de l’un et la mère de l’autre sont demi-frères issus du même étalon (les deux parents ont un grand-père commun, l’un en ligne sanguine, l’autre en ligne utérine),
- «demi-cousins germains cognatiques mixtes» = le père de l’un et la mère de l’autre sont demi-frères issus de la même lice (les deux parents ont une grand-mère commune, l’une en ligne sanguine, l’autre en ligne utérine). 


COI (taux de consanguinité) – CAL (taux de perte d’ancêtre)

Ces deux groupes d’initiales ne sont rien d’autre que l’expression du taux de consanguinité (Coefficient  Of  Inbreeding) pour le premier, et du coefficient de perte d’ancêtre (Coefficient of Ancestral Loss) pour l’autre. Comme nous l’avons vu plus haut, l’endogamie est, d’un côté, nécessaire pour atteindre une certaine uniformité de standard dans la race mais produit souvent, d’un autre côté, des résultats néfastes.


L’éleveur qui souhaite éviter les inconvénients de la consanguinité se retrouve face à un choix limité d’étalons pour ses chiennes. Il devra alors calculer le taux de consanguinité afin d’éviter des mariages entre individus trop étroitement apparentés. Le calcul est effectué suivant la méthode de Sewell Wright (1921) qui est basée sur l’enregistrement des données concernant les ascendants identiques des deux pedigrees. La distance généalogique des ascendants identiques du couple potentiel fait partie du calcul. Tout ceci est compliqué et fastidieux, sans parler des erreurs susceptibles de se produire.

Une méthode bien plus simple est le calcul de ce qui est appelé le coefficient de perte d’ancêtre (CAL). L’idée du CAL est que les ascendants identiques (un même ascendant plusieurs fois présent dans la ligne généalogique) du pedigree d’un chien diminuent effectivement le nombre de ses ascendants différents. Le pedigree d’un chien sur 5 générations devant indiquer 62 ascendants, on disposerait idéalement de 62 noms différents. Si, par exemple, 10 noms apparaissent 2 fois, le nombre d’ascendants sera réduit de 62 à 52. Afin d’obtenir le CAL, nous devons diviser 52 par 62, obtenant ainsi 0.83: le CAL sera alors de 83%, ce qui veut dire que le chien ne possède que 83% du nombre d’ascendants idéal dont il pourrait disposer.



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2. Notions de génétique

Les cellules humaines ont, comme tout le monde le sait, 23 paires de chromosomes. Le chien, quant à lui, en possède 39 paires, soit un total de 78 chromosomes.

Les chromosomes, porteurs du patrimoine génétique de l’individu, vont toujours par paires: un provenant du père (spermatozoïde) et l’autre de la mère (ovule). Ils ne sont pas toujours rigoureusement identiques. Les chromosomes d’une même paire sont dits homologues.

Deux gènes occupant la même place sur une paire de chromosomes portent le nom d’allèles. Le locus (pluriel=loci) est l’emplacement occupé par un gène sur un chromosome. Quand deux allèles codant pour un même trait physique sont différents, l’un est dit dominant par rapport à l’autre qui est dit récessif. On peut aussi avoir deux allèles différents qui s’expriment ensemble: on parle alors d’allèles codominants.

Les gènes portés constituent le génotype d’une personne et l’expression extérieure de ces gènes est appelée phénotype.

Un individu est dit homozygote quand il possède deux fois le même allèle pour un caractère donné. S’il possède deux allèles différents, il est dit hétérozygote pour ce caractère.

Prenons l'exemple de la transmission de la couleur des yeux chez l’être humain. Un homme possède sur les chromosomes homologues n° 15, un allèle « yeux bruns » (B) et un allèle « yeux bleus » (b). Il est hétérozygote pour ce caractère (Bb). Il aurait été homozygote s’il avait possédé les deux allèles yeux bruns (BB) ou les deux allèles yeux bleus (bb). Le caractère B est dominant sur le caractère b. Notre homme aura donc un génotype pour ce caractère = Bb et un phénotype = yeux bruns, le caractère yeux bleus ne s’exprimant pas. Il transmettra à sa descendance soit le caractère B, soit le caractère b.

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3. Génétique de la dysplasie coxo-fémorale

Il faut savoir qu’il existe des caractères qualitatifs (couleur du pelage, formes d’oreilles, etc.) et des caractères quantitatifs qui se mesurent (hauteur, poids, qualité des allures, beauté d’une tête etc.). Tandis que pour un caractère qualitatif donné, le classement est facile à faire  (exemple, 70% de chiens noirs et 30% de fauves), pour un caractère quantitatif les choses sont plus compliquées car ils existent tous les intermédiaires entre un minimum et un maximum (c’est la courbe de Gauss ou courbe en cloche des statisticiens).

Un caractère quantitatif subit l’influence d’un grand nombre de gènes (polygéniques) dont les effets sont faibles mais s’additionnent.

De plus, un caractère quantitatif subit l’influence du milieu. Exemple : un chien programmé génétiquement pour mesurer 70 cm ne pourra atteindre cette taille que si les conditions du milieu sont favorables: nourriture, conditions d’élevage, etc. Sinon, il ne mesurera que 67 cm. Par contre, le même chien ne pourra jamais mesurer 72 cm car même avec des conditions d’élevage exceptionnelles, il n’est pas programmé génétiquement pour atteindre cette taille. Un excès de nourriture se transformera en graisse et non en centimètres supplémentaires. On appelle ce phénomène l’hérédité de prédisposition.

De plus, beaucoup d’affections sont traitées comme des caractères à seuil: l’accumulation d’un nombre minimum de gènes de prédisposition est nécessaire pour que la maladie atteigne un premier stade discret. L’accumulation d’une certaine quantité de gènes supplémentaires fera passer le sujet au stade supérieur, etc.

La dysplasie coxofémorale entre dans ce type de classification de maladie à transmission polygénique à seuil. Le nombre de gènes à prendre en compte n’est actuellement pas connu, mais il semblerait qu’il ne soit pas très élevé.

Afin de bien comprendre la transmission polygénique de la dysplasie et le fait que deux sujet sains peuvent mettre au monde des chiots dysplasiques et inversement, le Professeur Denis a pris l’exemple suivant :

NB:
·   les gènes dysplasiques sont en majuscules et les non dysplasiques en minuscules.
·   les lettres utilisées n’ont rien à voir avec les stades de dysplasie.
·   il convient dans cet exemple que pour atteindre le premier stade de dysplasie, il faut trois gènes de dysplasie: les chiens ayant un ou deux gènes sont cliniquement sains.
·   seul compte le nombre de gènes et non leurs positions alléliques.

Deux chiens sont pris au hasard et ont pour  formules génétiques : ABc/abc  et  abC/Abc
                                                                                                                     
Chacun possède deux gènes de dysplasie disposés de façon différente sur le plan allélique mais pas suffisamment nombreux pour induire la maladie. En mariant ces deux sujets, on va obtenir la descendance suivante: 1/16 n’auront aucun gène de dysplasie, 4/16 en auront 1, 6/16 en auront 2, 4/16 en auront 3 et 1/16 en auront 4, soit 11/16 de chiots cliniquement sains (mais seulement 1/16 totalement indemnes) et 5/16 de dysplasiques. Il est donc très facile de comprendre pourquoi des sujets dysplasiques peuvent naître de sujets sains.

Prenons maintenant le cas suivant: marions les chiens dysplasiques    ABc/abC et  Abc/AbC
                                                                                                                           
Ces deux chiens sont cliniquement atteints et présentent chacun trois gènes de dysplasie. Le mariage va donner la descendance suivante: 1/16 auront 1 gène de dysplasie, 4/16 auront 2 gènes, 6/16 auront 3 gènes, 4/16 auront 4 gènes  et 1/16 auront 5 gènes soit 5/16 de sujets sains mais aucun sans gène de dysplasie et 11/16 de dysplasiques.

Quel type de mariage faire ?   

- deux sujets sains avec possibilité de produire 5/16 de dysplasiques et 1/16 de totalement indemnes
OU
- deux sujets dysplasiques avec possibilité de produire 11/16 de dysplasiques et 0/16 de totalement indemnes

Pour conclure sur un des plus gros problèmes en élevage canin et surtout en grandes races comme nos Landseer, citons des extraits du livre du Professeur Denis. La clarté même du texte ne nous a guère permis de procéder à des coupes:

« Comprendre la mécanique de la génétique quantitative et admettre du même coup le caractère héréditaire de la dysplasie de la hanche est une chose; accepter que la sélection ne produise ses effets qu’à long terme et coûte néanmoins fort cher en est une autre. Pourtant, il n’est guère possible de faire autrement. 
Il est tout d’abord clair qu’une sélection réellement efficace à très court terme impliquerait de ne mettre à la reproduction que des individus totalement indemnes de DH, c'est-à-dire, n’en possédant pas du tout de gènes. Repérer ces individus à coup sûr est impossible mais on peut s’en rapprocher en:
·   examinant le pedigree - un individu cliniquement sain et qui n’a pas de dysplasie connue dans son ascendance (sur plusieurs générations) a de bonnes chances d’être réellement indemne. Encore faut-il que les renseignements soient bien disponibles;
·   pratiquant le contrôle de descendance. On connaît les difficultés de sa mise en œuvre chez le chien. Il y a, cela dit, d’une façon générale d’ailleurs, tout intérêt à exploiter le plus possible les résultats fournis par la descendance déjà procréée, avant une éventuelle utilisation à grande échelle d’un étalon pour la reproduction.
 Mais à supposer qu’il soit possible de repérer les animaux effectivement indemnes, c'est-à-dire non porteurs de gènes de dysplasie, encore faudrait-il qu’ils soient suffisamment nombreux pour constituer une base de renouvellement possible de la race: ça ne sera pratiquement jamais le cas.
 La sélection ne peut donc guère reposer que sur l’élimination des sujets cliniquement atteints (ou, plus exactement, exprimant des signes de dysplasie à la radiographie). On sait qu’alors, on considère à coup sûr comme sains des animaux qui possèdent et transmettent des gènes de DH, laquelle est susceptible de réapparaître chez une fraction des descendants. Toutefois, il est évident qu’à terme, l’incidence du phénomène se réduira et que la dysplasie, sans jamais complètement disparaître, verra son incidence fortement se réduire.  (…)
Eliminer de la reproduction les stades les plus avancés et tolérer les stades « affection légère » doit donc en toute logique, à terme, réduire la fréquence des gènes défavorables, donc réduire d’abord la gravité de l’affection, puis réduire l’incidence de l’affection elle-même. (…)
Lenteur des résultats ne signifie pas inefficacité. Comme l’écrivait Coulon (1989) : « Dans les études statistiques des Sociétés de Chiens de Race qui se sont engagées depuis longtemps dans la lutte contre la dysplasie, il apparaît une amélioration progressive, parfois lente mais significative, parfois très sensible. Aucune ne relève une éradication totale. La lutte contre la dysplasie de la hanche apparaît ainsi faite de pragmatisme, de volonté et de vigilance. »

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4. Robe et génétique des couleurs


Si la palette des couleurs du chien est très étendue, nos chers Landseer se contentent d’une garde-robe assez limitée. Mais à y regarder de près, elle n’est pas si limitée que cela et donne souvent du fil à retordre aux éleveurs soucieux de faire naître des chiots ayant un marquage idéal.


Que faut-il donc rechercher ? Un fond de robe très blanc avec 3 à 4 taches régulières, bien réparties sur ce fond;  une queue blanche, de la même couleur que les pattes, le poitrail, et le ventre; une tête noire avec une liste blanche disposée au milieu et s’étirant d’un bout à l’autre le plus régulièrement possible, c'est-à-dire divisant la tête en deux de façon égale de chaque côté du nez.

Facile, dira-t-on: il suffit de marier deux sujets possédant ces caractéristiques et le tour est joué. Seulement voilà, ce n’est pas aussi simple car ce que l’on voit extérieurement ne correspond pas à toute la réalité génétique du chien. L’expression extérieure de la couleur de la robe (phénotype) est le côté émergé de l’iceberg. Ce que le chien possède dans ses cellules (génotype), ces gènes hérités de ses deux parents, représente la partie immergée de cet iceberg, et est la plus complexe.

Gènes responsables de la couleur de la robe

Il existe 10 loci (lieu ou endroit, du latin locus signifiant l’emplacement du gène sur le chromosome) responsables de la couleur de la robe des chiens, mais nous ne nous attarderons qu’à ceux intéressant la robe des Landseer. Les chromosomes vont par paire, l’un d’origine paternelle et l’autre, d’origine maternelle. Chacun des chromosomes porte un certain nombre de gènes. Ces gènes sont dits allèles lorsqu’ils se correspondent, c'est-à-dire qu’ils appartiennent au même locus sur chacun des deux chromosomes de la paire. Deux gènes allèles peuvent être identiques (homozygotes) ou différents (hétérozygotes).

Dans certains loci, il existe plusieurs allèles possibles (locus S, par exemple) mais, pour un individu, il y a seulement deux places sur le chromosome, donc seulement deux allèles possibles. Ceci explique le nombre important de combinaisons potentielles et qu’il est difficile de prédire ce qui résultera d’un mariage entre deux Landseer en matière de tache. Quand, en plus, les dominances ne sont pas complètes et constantes, nous vous laissons imaginer la suite …

Locus «B» (Black)

Les gènes de cette série fournissent les couleurs noire ou chocolat. Le pigment est l’eumélanine. Le gène B, dominant, donne le noir, tandis que le gène b, récessif, corrrespond au chocolat. Ce second gène b n’existe pas chez le Landseer, car si c’était le cas, nous aurions des Landseer chocolat et blanc.

Figure 1 : chien "BB"

Notons que le chien de la figure 1 pourrait aussi être «Bb»: en mariant ce sujet (possédant le gène b) à un autre sujet «Bb», on pourrait obtenir des chiots «bb», c’est à dire chocolat.

Locus «E» (Extension)     

Les gènes de cette série permettent, ou non, l’expression de l’eumélanine. Ainsi, un chien «EE» ou «Ee» sera noir, ou chocolat, mais un chien «ee» sera doré car e empêche l’expression de l’eumélanine. Tous nos Landseer sont «EE»: si ce n’était pas le cas, on aurait, en mariant des sujets «Ee», des chiots dorés et blancs.

Locus «T» (Ticking)

Les gènes de cette série vont engendrer des mouchetures, ou ticking, dans les zones blanches. Le gène T, dominant, donne de petites taches de la couleur du fond de robe dans le blanc, tandis que le gène t, récessif, donne des zones blanches sans mouchetures (Fig. 2).


Figure 2: Combinaisons possibles avec le locus «T»

Il est à noter que le gène T présentant souvent une dominance incomplète, les chiens TT et Tt pourront avoir le même degré de mouchetures.

Locus «S» (Spotting)

Les gènes de cette série déterminent la distribution du blanc dans la robe en réglant les paramètres d’expression entre eumélanine et phéomélanine. Le gène S, dominant, permet l’expression de l’eumélanine et de la phéomélanine*. Les gènes si, sp et sw sont récessifs et co-dominants entre eux:
· si (Irish Spotting): panachure blanche peu envahissante - la ligne du dos reste toujours de la couleur du fond de robe (manteau);
· sp (Piebald): panachure moyennement envahissante, y compris sur la ligne du dos;
· sw (Extreme White Piebald): panachure très envahissante, y compris sur les oreilles, la tête et la queue.

Il faut noter que le gène S peut être à dominance imparfaite. Sur une robe noire, on obtient alors des pieds blancs, une cravate blanche et une liste blanche en tête: Ssw, par exemple, peut donner des têtes fortement marquées de blanc.


Figure 3: Variations autour du locus «S»

De ce fait, le blanc pur étant le plus recherché, il est néanmoins très difficile de prévoir des mariages raisonnés en matière d’élimination des mouchetures. Notons également que même le chien paraissant très blanc peut contenir de façon très infime quelques mouchetures disséminées dans sa robe, et appartenir dans ce cas à la famille des Tt, c'est à dire qu'il peut transmettre ces mouchetures à sa descendance. Ainsi, même en mariant des chiens parfaitement blancs, quelques chiots mouchetés peuvent apparaître dans la portée produite.

Cela signifie que l’un ou les deux parents avaient d’infimes mouchetures quasiment invisibles à première vue. De même, il est difficile de voir des mouchetures, sur un chien à manteau noir (sisi). Toutefois, le travail de l’éleveur est d’éviter de marier des chiens à fortes mouchetures entre eux, le risque serait alors d’obtenir un fort pourcentage de chiots mouchetés.

Et pour reprendre les termes d’Eric Gobillard-Paquin dans son excellent article sur la génétique des couleurs paru dans la revue du club des Spaniels : «Si l’on tient compte de la réalité génétique, un chien n’est pas blanc taché de noir, de chocolat ou de doré mais noir, chocolat ou doré taché de blanc !»

Vous avez bien lu, nos Landseer sont, génétiquement,  des chiens noirs tachés de blanc. Il suffit pour s’en convaincre de prendre le pedigree de son chien et d’y lire la couleur de la robe: Noi. PBl. Env., signifiant «noir à panachures blanches envahissantes». A titre de comparaison, on lira sur le pedigree d’un border-collie noir et blanc: Noi. PBl. Lim., c'est-à-dire, «noir à panachures blanches limitées». Un coup d’œil à ce fameux chien de troupeau permet alors de voir la différence dans la répartition du noir et du blanc chez ce chien par rapport au Landseer.

Cependant, pour l’amateur et le néophyte, nous pensons - mais ce n’est que notre avis – qu’on devrait continuer à désigner le Landseer comme un chien blanc à taches noires, car c’est ce qu’il y a de plus parlant. Et puis, de toute manière, quelle jolie robe, n’est-ce pas ?

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* dans les tissus vivants, la couleur est donnée par les grains du pigment appelé mélanine qui existe en deux variétés: la mélanine claire, appelée phéomélanine, et la mélanine foncée appelée eumélanine.